Archives mensuelles : septembre 2013

Coup de chaleur

Pourtant, ils le savaient…

Les principes de la thermodynamique sont clairs: il est impossible de refroidir un système isolé. Nos climatiseurs, nos congélateurs, nos réfrigérateurs… ne sont en vérité que des pompes à chaleur: elles prennent de la chaleur à un endroit pour la mettre à un autre. Et au passage, comme elles font tourner des moteurs et consomment de l’énergie, elles rajoutent leur supplément de chaleur à la chaleur déjà existante. Si vous laissez un frigo ouvert dans une pièce, il va s’emballer, recracher derrière lui toute la chaleur qui s’y engouffre, et avec un bon supplément: il va donc réchauffer votre pièce, pas la refroidir.

 

Ils le savaient, mais ils l’avaient fait.

Dans cette grande Mégapole, ils avaient imaginé vaincre la chaleur. Et ils avaient construit ces immeubles vertigineux, ces centres commerciaux, ces logements, ces restaurants et ces bureaux entièrement climatisés. Et ces immeubles rejetaient dans la rue une chaleur étouffante.

Et plus la température à l’extérieur était suffocante, plus on poussait la climatisation dans les immeubles, dans l’espoir d’attirer le client ou le travailleur harassé, et plus on poussait la climatisation à l’intérieur, plus l’air devenait suffocant à l’extérieur… Car les pompes à chaleur fonctionnaient à plein, rejetant à l’extérieur toujours plus de  chaleur pour créer un peu de frais à l’intérieur.

A cause de la chaleur dans les rues, plus personne ne se déplaçait à pied. Les gens prenaient leur voiture ou un taxi climatisé, ce qui augmentait encore la température des rues. On avait aussi bien sûr climatisé le métro, mais les rames rejetaient leur chaleur dans l’espace confiné des tunnels et des stations, y rendant l’air proprement irrespirable.

Peu à peu, le grand air ne suffit plus à la Mégapole pour dissiper son colossal excédent de chaleur. Sa densité extrême, ses immenses constructions verticales rendaient impossible une ventilation naturelle. Une bulle de chaleur se forma, montant jusqu’au niveau des plus hauts gratte-ciels, faisant monter l’air à des températures encore jamais vues. Et plus la température montait, plus on poussait les climatiseurs, et plus on poussait les climatiseurs, plus la température de la ville augmentait.

Un jour, le vent s’arrêta. Pas grand chose en vérité, mais la brise marine habituelle se calma, et la pétole s’installa pour quelques jours. Pris dans un emballement féroce, les climatiseurs redoublèrent d’activité, et la température monta, monta encore. A tel point que l’état d’urgence dut être déclaré, et les ressources énergétiques du pays tout entier furent mobilisées pour alimenter les climatiseurs de la Mégapole. Le 21 août 2014, la congestion du réseau électrique fut telle que la Grande Panne se produisit. Plus d’électricité, plus de climatisation.

On estime que la canicule fit alors 1 millions de morts, suffoqués, déshydratés, asphyxiés. Et la Mégapole fût abandonnée à tout jamais par ses survivants, qui décidèrent de migrer vers des cieux plus cléments et des paysages urbains plus sages – sans climatisation.

 

Bon courage

L’autre jour, en allant à la piscine, un collègue qui me souhaite « bon courage ». « Pourquoi bon courage », lui réponds-je, « c’est un plaisir de nager, pas besoin de courage pour ça ». Et lui de me dire: « pour toi peut-être, mais moi je déteste nager, c’est vraiment la galère… »

A ce moment, j’ai compris pourquoi, instinctivement, j’avais tant de mal avec les « bons courages » que l’on entend de plus en plus, à l’adresse d’une caissière à Monoprix, des gars qui nous servent au resto d’entreprise, à la boulangerie…

Ils vous disent « bon courage! », mais en vérité, au fond d’eux, ils pensent: « tu as vraiment une vie minable, tu es dans la galère, heureusement je suis dans une situation bien supérieure, bonne chance pour t’en sortir ». En vérité, pas mal de mépris et de commisération sous une formule apparemment sympathique et amicale.

SVP, ne souhaitez plus bon courage aux gens qui font simplement leur boulot, et qui peuvent en être légitimement fiers. Stoppons l’épidémie du « bon courage » en France!

On a besoin de courage physique pour escalader une falaise ou affronter une maladie grave, ou de courage intellectuel pour affronter l’opinion majoritaire, mais pas pour simplement faire son boulot ou pour aller nager.